Bien au bord

Doug surplombe les vagues

Il sent le souffle de leur éclat et la fraicheur de la houle, il voit les cris des rocs assaillis, entend l'écume se déposer sur le flanc de la falaise.

Doug a un foulard qui lui couvre la figure aujourd'hui,

Il est nu mais il n'a pas froid. Il est solitaire mais pas seul. Il a les yeux bandés mais il voit.
Il caresse du pied le vide béant que la falaise lui offre. Il sent de la peau des orteils l'abyme qui s'ouvre devant lui. Il sent son poids s'alléger. Il est plus léger maintenant qu'il a confié la moitié de son corps à l'inconnu. L'inconnaissable. Il est au bord de la mort, mais il n'a pas peur.

Doug n'est pas un homme courageux. Ce n'est pas un névrotique. Il n'est pas manager dans une entreprise qui fait des trucs dont personne ne connait la couleur. Doug n'est pas un homme marié que l'épouse en a marre de tromper. Doug n'aime pas les jeux vidéos. Il n'a jamais été dans une boite SM. Doug n'est pas un con. Doug n'est pas très intelligent.

Doug est fatigué.

Aujourd'hui, il s'est réveillé et il a senti qu'il manquait quelque chose dans son coeur. Il est allé le chercher au bord de la falaise.

Je suis le coeur de Doug et je bats la chamade. La main invisible du vide que mon con de proprio ne voit pas s'étend et m'empoigne. Mes battements se font de moins en moins fréquents. Ils s'estompent et l'écho de mes deniers mouvements ricoche sur le torse du Doug pour n'assourdir que son ame perdue.

Je suis le sang de Doug et je quitte son corps pour aller me mélanger au sel de la mer. Pour aller me nicher dans les dents de ses vagues déchainées. Pour aller me planter sur le flanc de la falaise et dessiner sur ce mur les pleurs de l'homme qui s'est retrouvé.